LES VOSGES | UNE NUIT AU LAC DE BLANCHEMER

La solitude comme un besoin. La solitude comme une nécessité. Voilà un bon sujet sur lequel je pourrais disserter pendant des heures. Le fait est qu’au fil des années je ressens un profond engouement pour ce concept. Me retrouver en pleine nature me procure un bien fou. Mais selon moi, tu peux jouir de tous les bienfaits de la solitude sans pour autant être tout seul. Installe-toi confortablement, décapsule une bière et laisse-moi t’expliquer ça.

La solitude se définit souvent comme le fait d’être seul. Je la définis personnellement comme le fait de se sentir seul. Tout est une question de sensation ressentie. Si dans la plupart de mes escapades je cherche la solitude, je ne m’empêche pas nécessairement d’être accompagné. Dès lors, on peut être à deux et toucher du bout des doigts la solitude. Je t’ai perdu dans ma réflexion ? Bon bah je vais devoir me sentir obligé de te raconter ma fabuleuse nuit au Lac de Blanchemer alors.

J’avais repéré l’endroit quelques jours plus tôt. Je cherchais quelque chose de différent de ce que j’ai pu faire jusqu’à présent. Alors je suis allé jeter un œil du côté des refuges non gardés. Ce sont des abris laissés à disposition des randonneurs, gratuits et entretenus par le Club Vosgien. Tu en trouves très facilement dans le secteur et je te conseille vivement de te renseigner sur le site https://www.refuges.info/ qui est une mine d’informations. Après quelques recherches, je suis tombé sous le charme du Chalet de Blanchemer et de son lac.

Le Lac de Blanchemer est un lac discret, perché à 980m d’altitude, visible depuis la célèbre Route des Crêtes. Il tire son nom du fait que l’Hiver, la neige se reflète dans ses eaux, créant ainsi l’illusion d’une mer blanche. Sur place, Maureen et moi sommes restés figés par la beauté de l’endroit. Face à nous, un décor canadien avec ce lac entouré de sapins dont les cimes sont masquées par cette épaisse et mystique brume grisonnante. Du coin de l’œil, à la manière d’un joueur de poker analysant son adversaire, je regarde Maureen et je lis dans ses yeux cet émerveillement qui me fait sourire et que je partage. Nous sommes subjugués par le cadre qu’offre le Lac de Blanchemer.

De ce paysage verdoyant se distingue aisément le Chalet de Blanchemer, tout de blanc vêtu. Niché sous les sapins, situé au bord du lac, le refuge ne demande qu’à nous accueillir.

Nous franchissons la porte et découvrons l’intérieur rudimentaire mais amplement suffisant de notre suite royale. Une longue table pourvue de deux bancs, une chaise et une cheminée. En guise de décorations quelques bougies, un sac plastique contenant des ordures et des graffitis sur les murs et le mobilier. Je trouve ça très regrettable et condamnable mais c’est devenu habituel de constater les dérives du comportement humain. Trêve de bavardages, ce genre d’endroit est une chance pour ceux qui s’y réfugient le temps d’une journée ou d’une nuit. A se comporter de la sorte, un jour nous ne pourrons plus en bénéficier et ce serait bien dommage. Alors respectons les lieux, tout simplement.

Défaits de nos sacs de randonnée, je profite des dernières lueurs du jour pour constituer un stock de bois pour la soirée. Malheureusement, il m’a été difficile de trouver du bois sec avec cette météo pluvieuse qui sévit depuis plusieurs jours sur le Massif Vosgien. J’essaye donc de trouver des tronçons assez gros que je m’empresse de dégrossir après avoir préalablement retiré l’écorce humide.

La lumière du jour s’est éteinte et l’obscurité s’empare petit à petit du Lac de Blanchemer. Autour de moi le silence à peine perturbé par le vent chatouillant les cimes. La brume toujours présente perd en altitude et se dessine maintenant au dessus du lac, nous plongeant dans une ambiance enchanteresse. Seuls au monde, nous contemplons ce crépuscule automnal, bercés par le bruit de l’eau. Pas un mot ne parvient à sortir de nos bouches tant notre esprit est inopérant, trop occupé à se perdre dans cet enivrant décor. On se sent seuls, comme abandonnés de tous, pour notre plus grand plaisir. Nous allons pouvoir lâcher prise le temps d’une nuit et je dois dire que de nos jours, ce n’est pas du luxe.

La pénombre ayant pris les commandes, nous décidons de rentrer au chaud et d’allumer un feu. Eclairé à la lampe frontale, je gratte énergiquement ma pierre à feu. La friction ainsi exercée asperge de fines étincelles mes copeaux de bois qui s’embrasent timidement. La flamme tant attendue jaillit et fait naître avec elle une douce lumière dans la cheminée. Je dépose avec précaution mon bois en évitant d’étouffer le jeune foyer déjà fragilisé par l’humidité de mon combustible.

Ce soir ce sera dîner romantique éclairé à la lampe frontale et à la bougie. Nous troquons le sceau de champagne par quelques bières locales Made In Alsace que l’on s’empresse de goûter tout en savourant quelques rondelles de saucisson. Dehors, la nuit est tombée et le vent se déchaine. On entend la pluie marteler le toit et le plissement des branches chahutées par les bourrasques. On ne pouvait pas rêver mieux comme ambiance !

Ces instants sont précieux. Chaque escapade apporte son lot de souvenirs. Ce soir là avec Maureen nous avons pu profiter du simple fait d’être tous les deux au milieu de nulle part. Si nous passons la plus claire partie de notre temps ensemble, se retrouver ainsi, en dehors de tout confort, est une véritable aventure que l’on partage avec plaisir et complicité. Loin de notre vie parisienne et de son effervescence quotidienne nous profitons allègrement de ce moment que nous offre cette fraction dans le temps. La solitude nous rapproche. La solitude nous épanoui. J’en suis convaincu et cette soirée me le démontre une fois de plus.

La flamme jaunâtre ondule dans la cheminée tel un serpent devant son charmeur. Emmitouflés dans nos duvets et bercés par le crépitement du bois on s’abandonne généreusement au sommeil. Bonne nuit, à demain.

Le réveil matinal est difficile. La nuit a été mauvaise. Le froid s’est emparé du refuge avant de venir perturber notre sommeil. Et pour couronner le tout, le feu s’est éteint sans jamais reprendre malgré mes tentatives. La situation peut paraître compliquée, mais elle me fait surtout sourire. Je regarde Maureen dans son duvet et je me dis qu’elle est quand même sacrément amoureuse pour me suivre dans mes escapades insolites.

Cette nuit là, vers 03H00, ne trouvant plus le sommeil, je suis allé me promener dehors. Eclairé à la lampe frontale, je progresse dans la forêt, quand un bruit perturbe soudainement ma promenade nocturne. Je lève la tête et éclaire l’environnement. Le faisceau lumineux de la frontale croise alors entre les troncs des sapins quatre paires d’yeux perçants qui me scrutent à une quinzaine de mètres devant moi. Me sentir observé, moi l’Homme qui n’a rien à faire ici, c’est à la fois terriblement excitant et incroyablement intimidant. Cette sensation est indescriptible. Nous sommes restés figés, à nous observer mutuellement. Puis, une dizaine de secondes plus tard, les huit billes luisantes disparurent dans la noirceur de la nuit dans un bruit de pas feutré. Ce moment, aussi bref fut-il, restera gravé à jamais.

Pour bien commencer la journée, le petit-déjeuner est impératif. Et ça l’est encore plus lorsque je suis en vadrouille. Nous savourons notre café accompagné de nos muesli au bord du lac sous une petite pluie fine. Une fois de plus, le silence est saisissant. L’endroit est désert et transpire la quiétude. A cet instant précis, tu prends conscience que tout ça, tout ce qui t’entoure, tout ce qui se dresse devant toi, bah c’est à toi. Tu es le privilégié d’une nature qui silencieusement se réveille et se dévoile rien que pour ton plaisir. Je te souhaite de vivre des moments pareils et de les partager avec quelqu’un. Tu as une sensation de liberté sans égal. C’est vivifiant, saisissant et ça a le don de te faire oublier tes maux.

Chaque mètre carré ne demande qu’à être apprécié. Je pourrai rester des heures à scruter chaque détail du paysage et à les photographier. Mais le temps passe et il nous faut déjà repartir. On range nos affaires et on passe un coup de balais dans le refuge. C’est la moindre des choses et ça permet de ne laisser aucune trace de notre passage. Je laisse un tas de bois prêt à l’emploi, ça facilitera la tâche aux prochains visiteurs. Un dernier coup d’œil et on referme définitivement la porte du Chalet de Blanchemer. Et dans ce silence qui ne nous aura jamais quittés depuis notre arrivée, nous repartons du lac avec le sentiment d’avoir vécu un moment intense et inoubliable.

Clique sur la vidéo ci-dessous pour revivre avec nous cette belle soirée !

Publié par Maxime

Il paraît que la bière et la randonnée font bon ménage. Alors j'ai essayé, et j'y ai pris goût. Depuis, j'adore flâner dans la nature à la recherche des endroits les plus cool pour y décapsuler une bière. Passionnés de randonnée, de nature et de bonne bière, nous avons créé ce blog "Une bière et ça repart !" pour partager nos aventures et immortaliser nos souvenirs.

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